La musculation adaptée à l’adolescence ? – Approfondissements théoriques

Lors de l’article précédent, nous avons pu découvrir qu’il était possible et même conseillé de mettre en place des séances de musculation dés l’adolescence.

L’adolescence est une période de grands changements physiques et émotionnels dans la vie d’un individu. C’est également une période où beaucoup de jeunes sont attirés par la musculation, cherchant à développer leur force et leur apparence physique. Dans cet article, nous allons approfondir l’aspect théorique avant de passer a un aspect plus pratique lors du prochain article sur le sujet.  

Explorer les raisons pour lesquelles la musculation est populaire chez les adolescents, Nous aborderons par la suite les différentes méthodes pour s’entraîner et quelques exemples d’exercices appropriés pour cette tranche d’âge.

Du point de vue du développement des capacités nécessaires aux conduites motrices

La musculation permet un certain nombre d’acquisitions motrices et l’apprentissage et la maîtrise de gestes spécifiques réclamant des qualités de force, vitesse, souplesse et coordination intra et inter musculaires dont elle favorise d’ailleurs le développement. La musculation vise directement l’amélioration des aptitudes de l’individu et à ce titre mérite d’être traitée dans les programmes.

Du point de vue de l’appropriation culturelle et de l’acquisition de connaissances et compétences

La musculation est largement présente dans les pratiques physiques de la société moderne.

Les invitations à en user sont nombreuses mais les risques d’erreur ou de dérive sont tout aussi importants. Il est nécessaire d’informer les élèves sur les conditions d’organisation de cette pratique, sur la sécurité, sur les rôles à assumer et bien entendu sur les contenus même des séances. 

Quels ateliers, quels muscles, quelles formes de travail, quelles qualités développer, quels choix d’intensités, de volumes, de séries ou de récupérations ? 
Autant de questions auxquelles il faudra apporter des réponses.

Du point de vue des connaissances et savoirs nécessaires à l’organisation et la conduite de sa vie physiques aujourd’hui et plus tard 

Cette finalité est si importante qu’elle pourrait justifier à elle seule la présence de l’EPS obligatoire au collège et au lycée. Le lycéen sera très certainement appelé plus tard, en tant que « culturiste », sportif attentif à son état de forme ou adulte soucieux de sa santé ou en recherche d’une silhouette de « rêve », à pratiquer la musculation. Il doit être préparé à gérer efficacement et en toute sécurité cette pratique. Les cycles proposés doivent lui permettre d’apprendre et de maîtriser les règles de construction d’une préparation en fonction des objectifs que l’on se fixe et de savoir les mettre en œuvre soi-même, seul ou en groupe (développement de l’autonomie).

garçon, enfant, adolescent

La musculation est-elle une activité particulière? Comment la définir?

Albert Rivet, entraîneur national des lancers, disait: « La musculation c’est la recherche systématique et raisonnée du développement musculaire en vue de l’accroissement de la force, mais surtout de la puissance ». 

Martial Auzeil qui enseigne cette activité à l’UFR STAPS de Grenoble définit ainsi l’activité: « La musculation permet, par des exercices appropriés, d’augmenter la puissance du muscle, ceci dans le but d’augmenter la valeur des performances dans une ou plusieurs activités ».

Il ressort de ces essais de définition que la musculation vise à améliorer principalement la force qui peut s’associer à d’autres qualités (la vitesse, l’endurance, la détente, la souplesse) et s’avère donc être une activité préparant à d’autres qui utilisent elles ces différentes aptitudes. Il faut un « mobile » pour pratiquer la musculation. Les exercices réalisés doivent permettre au pratiquant:

  • D’augmenter son potentiel dans tel ou tel sport et de mieux réussir dans cette activité, en y réussissant en particulier de meilleures performances.
  • D’entretenir sa musculature, de modeler sa silhouette ou de mieux se sentir dans son corps.
  • De corriger des déséquilibres, de pallier des déficiences….

Le pratiquant doit en conséquence choisir des exercices sollicitant tel ou tel muscle ou groupes musculaires, programmer avec précision le contenu de ses séances de travail (volumes, intensités, vitesses d’exécution, temps de récupération…) pour garantir l’obtention sur soi des effets attendus ou espérés.

Avant de proposer un programme adapté , il convient de revenir sur des aspects théoriques fondamentaux sur le développement de la force de l’enfance à l’âge adulte : 

Synthèse des connaissances sur la force comparée de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte

L’enfant pré-pubère :

Chez l’enfant (comme chez l’adulte et l’adolescent), la force ramenée au kg de masse maigre est identique chez les garçons et les filles.

  • L’accroissement en force le plus élevé est, chez la fille vers 11,5 à 12,5 ans (avant puberté) et entre 14,5 et 15,5 ( ans chez le Garçon un an après le pic de croissance)
  • Jusqu’à 10 ans force identique Garçon et Filles
  • Le rapport mitochondries/ volume myofibrillaire est identique chez l’enfant et l’adulte (la filière aérobie est principalement utilisée)
  • La différenciation des fibres (1,2b,2a) se réalise essentiellement en phase fœtale lors des 2 premières années de la vie.
  • Des études montrent un % plus élevé de fibres type 1 chez l’enfant (+10%) que chez l’adulte dans certains muscles : explication par le potentiel glycolytique restreint ?
  • L’hydrolyse de l’ATP reste modérée à effort maximal et le reconstitution du stock d’ATP est limité par son moindre potentiel glycolytique
  • En contradiction avec des études 1978 (maintenant controversées), l’entraînement pré pubertaire augmenterait la Force de 20 à 45% (avec de séries à 10 RM pendant 9 semaines) mais sans s’accompagner d’une augmentation du volume musculaire (faible présence des hormones sexuelles)
    • Webb 1990 -: cela serait donc dû à une amélioration des synergies musculaires et à une meilleure coordination des actions. 
    • Ramsey 1990 a entrepris une étude sur des enfants de 9/11 ans avec des charges élevées (3 à 5 séries à 85% de 1 RM) : comme chez l’adulte, il note un accroissement de la force maximale (environ 30%)!
  • L’impact négatif de l’entraînement de la force sur le déroulement de la croissance n’a pas été démontré mais certains méfaits sur l’appareil locomoteur sont dénoncés (tractions exercées sur les apophyses, atteintes du cartilage articulaire dans les cas de surentraînement). Cependant avec un entraînement bien adapté Tanner 1993 a montré que la fréquence des blessures était moins élevée que pour la gymnastique, le football, les sports de contact. Des scintigraphies sur enfants de 14 ans n’ont présenté aucune atteinte osseuse après un cycle de musculation de 14 semaines. L’arc vertébral doit être protégé et les muscles de soutien sollicités.
  • Pas d’études sur le désentraînement des enfants mais l’hypothèse est que cela serait identique à l’adulte (voir homme/ femme : le désentraînement)
faire du sport chez les pré ados

L’adolescent : 

La force dépend de la surface transverse du muscle sollicité et de la capacité à solliciter les unités motrices (UM).

  • On assiste alors à une accélération des gains de force chez les Garçons et à un ralentissement (voire à une stagnation) chez les Filles. Cela est dû aux effets des hormones androgènes (plus que les oestrogènes) sur la masse musculaire (de plus, les oestrogènes augmentent le % de masse grasse de l’organisme). La testostérone (hormone androgène mais présente cependant chez la femme en plus petite quantité) augmente l’anabolisme protéique et donc permet de développer les éléments contractiles de la fibre musculaire (actine et myosine)
  • Chez l’adolescent (comme chez l’adulte et l’enfant), la force ramenée au kg de masse maigre est identique chez Garçons et Filles
  • Il n’y aurait pas d’âge critique pour développer sa force : entraînabilité de la force physique ne cesse de s’élever depuis l’adolescence jusqu’à l’âge adulte.

L’homme/La femme :

La force ramenée au kg de masse maigre est identique chez H et F : la force contractile est la même.

  • L’entraînement de type aérobie favorise la transformation des fibres 2 en fibres 1de façon identique pour les 2 sexes.
  • L’hypertrophie est plus accentuée chez H (grossissement des fibres 2)
  • Une (légère) hyperplasie (+3 %) peut s’installer de façon identique chez H et F après un entraînement spécifique volume long : sollicitation des cellules satellites musculaires. Ces cellules satellites (responsable de l’hyperplasie) sont mobilisées par l’organisme quand certains muscles ont subi une destruction partielle (traumatisme très important) cf « hypertrophie et hyperplasie » en fin de document
  • Les différences de force musculaire sont dues à des différences significatives du volume musculaires (réserves énergétiques totales : lipides : 12% chez H ; 21% chez F/ protéines : 50% chez H, 40% chez F)
  • Les différences de force H/F sont moindres lors d’exercice de types excentriques, et supérieures lors de concentrations concentriques
  • Seuil de la fatigue reculé chez la femme : moins de masse musculaire mobilisée + effet vaso-dilatateur des œstrogènes améliore le flux sanguin + épargne du glycogène musculaire par oxydation des lipides
  • Effet du désentraînement : plus la prise de force a été rapide plus le désentraînement se fait sentir (en moyenne de 1,5% à 2,5% de perte de force par semaine mais possibilité d’aller jusqu’à 3%). Il est à noter que le niveau de rétention de gain de force est meilleur chez le sédentaire qui s’est entraîné que chez l’athlète entraîné

La personne âgée :

La force maximale est atteinte entre 20 et 30 ans puis elle décline pour atteindre à 65 ans environ 75% de sa force maximale.

  • La diminution de la Force est moins prononcée pour les muscles du tronc puis de plus en plus pour les membres inférieurs puis enfin pour les membres supérieurs.
  • La surface de section transversale des fibres se réduit progressivement mais proportionnellement moins que la réduction de la force : en effet, le tissu conjonctif et les dépôts adipeux augmentent dans les muscles avec l’âge
  • Les UM les plus rapides (donc les fibres 2 ) diminuent à partir de 30 ans et, la surface occupée par les fibres 1 augmente proportionnellement. Les motoneurones alpha (MNalpha) de ces fibres rapides disparaissent, même si parfois d’autres Mnalpha voisins émettent des ramifications
  • Même chez la personne âgée, l’entraînement de la force augmente la surface transversale de leur muscle et progresse dans la mise en jeu des MN (y’a de l’espoir !)… mais la marge de progrès se réduit avec l’âge (diminution de la sécrétion de la testostérone qui survient dès 30 ans). Le temps de récupération doit être allongé

Conclusion :

A présent que nous disposons des données théoriques nécessaires , je vous proposerai lors de la rédaction de l’article suivant sur le sujet des propositions de programmes adaptés à cette période particulière de changement qu’est l’adolescence.

Nous aborderons aussi le sujet de la nutrition et de l’hydratation.

Je vous invite à regarder ces vidéos intéressantes pour conclure.